ACTUALITES
Motiver ou non une convocation à entretien préalable

Dans sa rédaction actuelle, le Code du Travail n’oblige pas l’employeur à énoncer dans la convocation à entretien préalable, premier acte de la procédure de licenciement, les motifs sur lesquels repose la mesure qui, à ce stade, est simplement « envisagée ».

 Le contraire a néanmoins été plusieurs fois soutenu, sur le fondement de l’article 7 de la Convention de l’O.I.T. n° 158.

Ce texte est ainsi rédigé :

« Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l'on ne puisse pas raisonnablement attendre de l'employeur qu'il lui offre cette possibilité. »

 Certaines décisions judiciaires ont repris ce principe comme imposant à l’employeur, au titre des droits de la défense du salarié, d’informer celui-ci des griefs retenus à son encontre (en tout cas en matière disciplinaire), dès le stade de la convocation à entretien préalable.

 Tel fut notamment le cas d’un Arrêt remarqué de la Cour d’Appel de Paris rendu le 27 septembre 2011, et énonçant à cet égard :

 «…le respect de la procédure légale et conventionnelle de licenciement, avec convocation du salarié à un entretien préalable, n’exonérait pas pourtant l’employeur de notifier au salarié ces motifs par écrit afin que l’intéressé prépare utilement sa défense»

 L’Arrêt précise en outre que :

 « …la garantie conventionnelle d’une notification écrite préalable des motifs disciplinaires du licenciement envisagé constitue une règle de fond dont l’inobservation rend sans cause réelle et sérieuse cette mesure ».

 D’autres décisions sont allé plus loin, considérant qu’il s’agissait là d’une formalité substantielle, à défaut de laquelle le licenciement n’était pas seulement privé de cause réelle et sérieuse, mais purement et simplement nul (en ce sens, CA Paris Pôle 6-6, 7 mai 2014, n°12-02642)

 L’enjeu d’une telle annulation n’est pas anodin puisque la nullité entraine l’éventuelle réintégration du salarié, mais également le paiement à celui-ci d’une indemnité équivalente aux salaires non perçus entre le licenciement et la réintégration.

 Sans reprendre ici les différentes thèses en présence, certaines empruntées au droit des Agents Public, il suffira de rappeler que la controverse a été largement nourrie.

 La Chambre Sociale de la Cour de Cassation vient cependant de rendre un Arrêt du 6 avril 2016 (n°14-23198) qui pourrait y mettre fin, et qui énonce :

 « Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement pour non-respect du statut de délégué syndical et de ses demandes subséquentes de remise en l'état du contrat de travail, de paiement des salaires depuis le 14 octobre 2009, de délivrance des bulletins de paie depuis son licenciement, de condamnation au paiement du salaire net résultant des fiches de paie évoquées, de condamnation de son employeur à lui verser une provision pour la période couverte par la nullité de la rupture et d'indemnité pour licenciement nul d'au moins douze mois de salaire, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 7 de la convention OIT n° 158, un licenciement ne peut intervenir avant que le salarié ait eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur ; que la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, lequel a pour objet d'examiner contradictoirement les griefs reprochés par l'employeur, doit indiquer avec une précision suffisante ces griefs afin de permettre au salarié de préparer utilement sa défense ; qu'en jugeant que l'énonciation de l'objet de l'entretien dans la lettre de convocation et la tenue de l'entretien au cours duquel le salarié, qui a la faculté d'être assisté, peut se défendre satisfont aux droits du salarié, la cour d'appel a violé l'article 7 de la convention OIT n° 158 et les articles L. 1232-1, L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du Travail

Mais attendu que l'énonciation de l'objet de l'entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d'un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d'être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l'exigence de loyauté et du respect des droits du salarié ;

 Que la cour d'appel qui a constaté que l'entretien préalable avait été tenu régulièrement a, sans violer les droits de la défense, légalement justifié sa décision. »

  

Reste à savoir comment réagiront les juridictions du fond à ce rappel de principe.


Share |