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Réforme de la Justice Prud'homale

La Loi dite « Macron », du 6 août 2015, reprenait diverses propositions d’un rapport de juillet 2014 visant à améliorer le fonctionnement de la justice prud’homale.

 

Son Décret d’application n° 2016-660 du 20 mai 2016 a été publié au JO du 25 mai 2016. La procédure s’en trouve profondément réformée, aussi bien en première instance qu’en appel.

 

Les conséquences de cette réforme sont à prendre immédiatement en considération au vu des effets importants qu’elle aura sur les contentieux prud’homaux, générant de nouvelles contraintes (délais impératifs) et de nouveaux risques (caducité ou irrecevabilité de divers actes), avec des conséquences irrémédiables le cas échéant.

 

  • La réforme de la procédure devant le Conseil de Prud’hommes

 

 

A compter du 1er août 2016, la requête introductive d’instance se fera par le biais d’un exposé des motifs et la mention des différents chefs de demande.

 

Cette saisine devra être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite verser aux débats.

 

Toute contestation de la compétence d’une section du Conseil de Prud’hommes devra être formée devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation, avant toute défense au fond.

 

Par ailleurs, le Décret entérine la création de nouveaux Bureaux de Jugement (formation normale, formation restreinte, formation directe de départage).

 

Compte tenu des pratiques d’ores et déjà disparates qui se dessinent plus ou moins spécifiquement au sein de chaque Conseil de Prud’hommes, le justiciable sera probablement astreint à une véritable « adaptation territoriale », selon la Juridiction qui aura à connaître du litige.

 

Ces mesures, qui visent à accélérer le traitement des procédures, n’auront toutefois que peu d’impact sur le suivi des dossiers à ce stade : il en va différemment des profondes modifications affectant les procédures engagées devant la Cour d’Appel à compter du 1er août 2016.

  

  • La réforme de la procédure d’appel

 

 

C’est la procédure devant les Chambres Sociales des Cours d’Appel qui va connaître les changements les plus substantiels. En effet, à compter du 1er août 2016, l’appel sera régi par la procédure avec représentation obligatoire. Les parties seront tenues en cause d’appel de recourir soit à un Avocat, soit à un défenseur syndical.

 

Aucun justiciable ne pourra dorénavant se défendre seul.

 

Cette représentation obligatoire aura pour corolaire l’obligation de faire intervenir un Avocat inscrit dans le ressort de la Cour d’Appel qui aura à connaître du litige, même si le dossier est suivi et plaidé par un Avocat d’un autre Barreau, procédure désormais analogue à ce qui existe déjà en matière civile ou commerciale.

 

Sous peine d’irrecevabilité, les actes de procédure seront remis à la Juridiction par voie électronique.

 

Toutefois, le défenseur syndical sera dispensé des contraintes liées à la postulation, de même qu’à celles de la communication électronique (cette disparité ne manquera pas de créer des difficultés).

 

Mais surtout, à compter du 1er août 2016, les règles de procédure écrites avec représentation obligatoire s’appliqueront aux contentieux prud’homaux devant les Cours d’Appel, avec des délais de mise en état du dossier devenant impératifs sous peine de caducité.

Ainsi et à titre d’exemple, dans certains cas et sous certaines conditions, la déclaration d’appel devra être signifiée par Huissier dans un court délai (un mois), et ce à peine de caducité de l’appel.

 

L’appelant disposera d’un délai de trois mois pour conclure à compter de la déclaration d’appel.

 

L’intimé aura alors un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour conclure et former, s’il le souhaite, un appel incident.

 

Il devra être répliqué à cet appel incident sous deux mois, à peine d’irrecevabilité.

 

Les conclusions seront non seulement remises aux parties mais également à la Cour avec justification de leur notification.

 

Le défenseur syndical n’accédant pas aux systèmes de communication électronique des Avocats avec les Juridictions, les différentes significations requises devront lui être faites par Huissier (avec les coûts supplémentaires inhérents à de tels actes, et les délais de notification relatifs à ces formalités).

 

Par ailleurs, il conviendra de remettre les dossiers de plaidoirie à la Cour d’Appel 15 jours avant la date fixée pour l’audience de plaidoirie.

 

Sans aborder plus en détails les autres effets de la réforme, il convient également de citer la fin de l’unicité d’instance, ainsi que de la péremption d’instance.

 

Ainsi, alors que jusqu’au 1er août 2016 les demandes liées à un même contrat de travail entre les parties devaient faire l’objet d’une seule et même instance, il sera désormais possible d’engager de multiples instances avec des demandes différentes alors même qu’elles sont issues du même contrat de travail.

 

Cette nouvelle règle est évidemment de nature à engendrer la multiplication des contentieux prud’homaux, en contradiction avec l’objectif de la réforme, lutter contre l’engorgement des Juridictions du travail.

 

Il est certes regrettable que le seul moyen qu’ait trouvé le Législateur consiste à opposer des entraves à l’action des justiciables ou à l’exercice des droits de la défense sur la base d’obstacles purement procéduraux.

 

Un appel ou une défense en appel seront ainsi exposés à des risques d’échec (être déclarés purement et simplement caducs ou irrecevables, c’est-à-dire définitivement anéantis) sans rapport avec les enjeux ou le fond des dossiers mais motif pris du simple non-respect de délais et/ou de règles de forme.

 

La prévention de ces risques passera nécessairement par une vigilance accrue dans le suivi des contentieux et une adaptation des pratiques de prévention, qui concerne évidemment les Avocats, mais aussi les entreprises, en particulier quand elles ont à gérer simultanément un nombre important de contentieux.


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