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Les salariés protégés et l'obligation de discrétion

Le manquement à l’obligation de discrétion : insuffisant pour justifier le licenciement d’un salarié protégé.

 

En l’absence de préjudice pour la Société, le licenciement d’un salarié protégé ne saurait être justifié pour violation de son obligation de discrétion.

En l’espèce, une Société de transports souhaitait licencier l’un de ses salariés titulaire de différents mandats (délégué syndical, délégué du personnel et secrétaire du comité d’entreprise).

 Dans ce cadre, la direction saisissait le Comité d’entreprise afin de le consulter sur ce projet de licenciement. Elle remettait à cette occasion une note explicative qui soulignait le caractère confidentiel et personnel de la procédure. Cependant, le salarié visé par l’éventuel licenciement affichait cette note sur le premier panneau du Comité d’entreprise, de sorte que l’ensemble des salariés puisse en avoir connaissance.

 La Société décidait alors de licencier ce salarié pour manquement à son obligation de discrétion.

 En effet, il convient de rappeler que l’alinéa 2 de l’article L.2325-5 du Code du travail dispose :

« Les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur. »

Or, et malgré ce texte,  la Cour Administrative d’Appel de DOUAI rejette la requête formée par la Société aux motifs que :

 « 4. (…) ces faits, dont la matérialité n’est pas contestée, ont été commis dans le cadre des fonctions représentatives dont M.E… est investi ; qu’en dépit de leur caractère polémique, ils ne traduisent pas la méconnaissance par l’intéressé d’une obligation découlant de son contrat de travail. (…)

 

  1. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ces faits, auraient eu une quelconque répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise ; qu’eu égard à la nature des fonctions occupées par M. E...et à l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail, ils ne rendent pas impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise ; que par suite le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social pouvait, sans entacher sa décision d’une erreur d’appréciation, estimer que les faits reprochés à M. E...n’étaient pas de nature à justifier un licenciement et, par conséquent, refuser l’autorisation sollicitée ; »

 La Cour Administrative d’Appel rappelle tout de même que les agissements d’un salarié intervenus en dehors de l’exécution de son contrat de travail ne peuvent motiver un licenciement pour faute, sauf s’ils traduisent la méconnaissance par l’intéressé d’une obligation découlant de ce contrat (en ce sens voir arrêt CE, 4ème / 5ème SSR, 27 mars 2015, n° 368855).

 Or, la Cour considère in fine que la violation de l’obligation de discrétion ne caractérise pas, compte tenu des faits d’espèce et de la nature des fonctions occupées par le salarié, une faute qui empêcherait son maintien dans l’entreprise qui ne fait état d’aucun préjudice particulier. Le refus d’autorisation du licenciement est donc confirmé.

 On peut librement s’interroger sur l’orientation qu’aurait prise cette décision en cas de trouble causé au sein de la Société à la suite de la diffusion de cette note. La violation d’une disposition légale est incontestable dans les faits. Il semblerait ainsi que la notion relativement abstraite de « préjudice pour la Société » ait été un critère déterminant dans cet arrêt.

 

CAA DOUAI, 7 juillet 2016, n°15DA00610


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